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Édito

iPhone, malade de sa distribution ?

Détricoté par la concurrence et regardé d’un œil soupçonneux par les autorités, le modèle économique de l’iPhone est-il à réinventer ?

Boro

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3 ministres. Ce sont pas moins de trois ministres du gouvernement français – et pas des moins brillants puisqu’il s’agirait de Pierre Moscovici, Arnaud Montebourg et de Fleur Pellerin respectivement ministres qui de l’économie et des finances, du redressement productif et de l’économie numérique – qui auraient diligenté une enquête de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à l’encontre d’Apple, si l’on en croit BFM TV. En cause, le déséquilibre du rapport de force entretenu par le californien vis-à-vis des opérateurs dans la commercialisation de l’iPhone.

Il n’est pas question d’entamer ici la complainte de la persécution et du complot mondial des médiocrités coalisées pour nuire à la firme de Cupertino, ou même de se grimer fusse l’espace d’un instant avec les hardes malodorantes d’un troll anti Samsung ou quoi que ce soit d’autre. La Pomme est en effet une maîtresse certes envoûtante et pleine de séduction, mais qui peut à l’occasion se montrer exclusive et tyrannique. Que la marque à la Pomme ait pu imposer « des conditions léonines » à ses partenaires commerciaux, comme le dit l’article, ne surprendra pas grand monde, d’autant qu’une autre enquête portant cette fois sur les relations d’Apple avec ses revendeurs a été initiée au printemps par la même DGCCRF pour des motifs similaires, avec même une perquisition à la clé début de l’été. La commission européenne elle-même n’est d’ailleurs pas en reste.

Clauses toujours…

Le papier de BFM TV, qui fait état d’un certain nombre de pratiques comme un prix de vente maximum imposé, l’obligation faite de favoriser l’iPhone en matière de subvention, de ménager aux vendeurs des commissions au moins égales à celles de la concurrence ou de financer les campagnes de publicité comme les spots TV ou la promesse de commander certains volumes, appelle cependant certain nombre de remarques.

Tout d’abord, ces conditions ne semblent pas nouvelles et l’article lui-même fait remonter l’origine de la plupart d’entre elle au contrat de distribution exclusive entre Apple et Orange, que Bouygues Telecom avait attaqué à l’automne 2008 et rejoint en appel par SFR au printemps suivant. Entretemps, pas moins de 4 modèle d’iPhones différents ont été commercialisés en France par les mêmes. Comme pour les autres griefs avancés par les opérateurs, la question qui se pose est «Pourquoi maintenant ?», et alors même qu’Apple a été déboulonnée de sa place de numéro un depuis bientôt un an par un Coréen, notoirement beaucoup plus généreux en matière de marges arrières et de partage de la rente que le Californien.

De fait, lorsque nous nous sommes transformés ce week-end en «client mystère» pour vérifier sur le terrain la teneur de ce qui était avancé, la réalité était toute autre. D’une part chez Orange dans une grande agence, où la seule mise en frais en matière de PLV concernait justement le Galaxy S4, nulle présentation ni même mention des nouveaux iPhones, une semaine après leur sortie. Pourquoi faire, d’ailleurs ? Renseignements pris auprès d’un vendeur au large sourire, les iPhone 5s n’arrivent qu’au compte-gouttes. Cinq sont attendus cette semaine, « Apple jouant sur la rareté », et lui-même aimerait bien pouvoir en acheter un. Si l’on en veut vraiment un, il va falloir faire preuve de patience. L’iPhone 5c? Lui au contraire ne se vend pas du tout : le plastique de la coque fait un peu « cheap », avec des couleurs vives plutôt adaptées à un public jeune… et un tarif qui l’est beaucoup moins, avec au reste une différence de prix peu significative par rapport à un iPhone 5s.

Sur le pas de porte de la boutique SFR, un immense présentoir de carton posé sur le trottoir annonçait iPhone 5c à partir de 1 euro ; nous sommes restés quelques instants dubitatifs devant la vitrine pratiquement vide où seul semblait s’ennuyer un malheureux Sony XP Xperia, tandis qu’au fond de la boutiquaire les vendeurs semblaient rigoler sous cape en glissant force coups d’œil dans notre direction. Nous n’avons pas poussé plus loin l’expérience…

On le voit, et au-delà de l’anecdote, la distribution figure bel et bien parmi les problèmes que doit rapidement résoudre Apple, d’une manière générale mais en particulier en ce qui concerne son iPhone. Très tôt, c’est-à-dire dès avant son retour à la tête d’Apple, ce « middle man » avait été identifié par Steve Jobs comme l’un des problèmes majeurs de la société qu’il avait fondée, intercalé entre la marque et le client final en ponctionnant une partie de la valeur. C’est la raison pour laquelle le CEO par intérim crée dès 1998 un Apple Store en ligne, avec des options de personnalisation sans équivalent à l’époque. C’est la raison pour laquelle il commence à semer avec Ron Johnson des Apple Stores de brique-et-mortier à partir dr 2001, d’abord aux Etats-Unis, puis dans le monde entier. C’est enfin la raison pour laquelle il est allé personnellement chercher Pascal Cagni, alors vice-Président Europe de Packard Bell.

En une poignée de trimestres, celui-ci avait réussi l’exploit de changer l’image de ses PC d’assembleur, et de les imposer à la place de numéro un des ventes dans toutes les Fnac de France et de Navarre… c’est-à-dire ce qui était alors le premier vendeur de Mac sur le plus gros marché d’Apple en Europe. Parmi les réponses apportées, la métamorphose des Apple Center en Apple Premium Resellers, toujours détenus par des particuliers mais apportant un service comparable à celui des des Apple Store, et la généralisation des shops in thé shop dans la grande distribution spécialisée.

(A suivre : un modèle à réinventer ?)