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Édito

Apple, 2 ans sans Steve…

2 ans après le décès de Steve, le transfert de son ADN a t-il pris sur son successeur ?

Boro

Publié le

 

Par

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Deux ans.Voici tout juste deux ans que Steve est remonté dans « le Grand Véhicule », éventuellement à « La place d’honneur ». Jobs n’avait jamais fait mystère de sa sensibilité pour les philosophies orientales, notamment celle du Zen en particulier, et c’est notamment ce qui l’a rapproché du Senior VP en charge du Design. Steve est donc reparti, sans doute pour une nouvelle réincarnation. La société qu’il avait co-fondée et placée sous le signe de « l’Infinite Loop » – la fameuse « boucle infinie », cauchemar des programmeurs débutants, mais en l’occurrence augure de pérennité pour « la boîte » – semble bel et bien repartie pour un nouveau cycle.

Cela peut-il vraiment être par hasard ? Le nouveau campus d’Apple, voulu par lui et dans les moindres détails duquel il s’est impliqué, en reprend la symbolique d’une manière d’autant plus appuyée que son empreinte écologique se veut réduite au minimum. Mais ce qui aurait pu paraître intellectuellement moins évident au premier abord, c’est que son successeur dût lui aussi passer par les mêmes a priori et mêmes difficultés. Or, que ce soit à mots couverts ou de manière nettement plus explicite, Tim Cook doit à son tour régulièrement faire face à des procès en incompétence, plus ou moins insidieux.

Car les couronnes de lauriers dont on a ceint le front de Steve Jobs à partir de 2005, quand la réussite de l’iPod a commencé à devenir éclatante – et sans même parler de celles dont on a enseveli son catafalque après sa disparition – ont pu le faire oublier : le retour de l’enfant prodigue à la tête de la société de laquelle il avait été éjecté dix ans plutôt avait été accueilli par rien moins que de la circonspection. Le même clivage qu’aujourd’hui, avec d’un côté St Steve, saint patron de tous les entrepreneurs visionnaires du numérique vs Tim Cook le pâle gestionnaire, avait alors son corollaire à front renversé, avec les deux Steve co-fondateurs d’Apple.

D’un côté Woz, icône de tous les geeks mais officiellement rangé des bécanes depuis longtemps, en partie du fait de son accident d’avion, et de l’autre Jobs le « Bad Guy », manipulateur invétéré et qui avait réussi le tour de force de faire racheter à prix d’or par une Apple quasi moribonde sa propre société NeXT, elle-même presque en état de faillite après l’avoir déjà « plantée » une première fois.

Un clivage commode intellectuellement

Le caractère attachant de Woz, au regard de la personnalité parfois difficile de Steve, de la même manière que son charisme face à la manière d’être certes plus discrète mais tout aussi résolue de celui qu’il avait tenu à adouber comme son successeur y sont sans doute pour quelque chose.

Mais c’était sans doute oublier un peu vite que Jobs avait déjà montré qu’il pouvait mener au succès une société, avec le succès de Pixar avec Toy Story dès 1995. De même, ce serait se risquer à mésestimer Tim Cook que d’oublier que c’est pour le garder, lui et une poignée d’autres dans le giron d’Apple que, dès 2001, Jobs avait pris le risque d’antidater un certain nombre de stock-options. Il s’était vu, au final de cette affaire, obligé de se séparer de Fred Anderson et Nancy Heinen. Pris par la patrouille de la SEC, les 2 architectes de l’affaire qui étaient également 2 de ses plus fidèles et précieux lieutenants ont été obligés de démissionner.

De fait, depuis qu’il a pris les rênes d’Apple voici trois ans, Tim Cook se voit confronté à peu près aux mêmes problématiques que Steve Jobs lors de son retour, avec cependant un contexte différent et des facteurs qui viennent encore compliquer sa tâche. En particulier, la firme de Cupertino fait désormais figure de géant de la dématérialisation des contenus. Ses pratiques et ses initiatives sont désormais scrutées comme le lait sur le feu, à la fois par ses concurrents potentiels mais aussi par les autorités de la concurrence du monde entier.

Là où Steve avait du serrer la ceinture pendant cinq ans pour remettre définitivement la société sur le chemin des bénéfices, en refusant de verser le moindre cent de dividende, Tim Cook a dû puiser largement dans le bas de laine constitué depuis 10 ans, en distribuant des dividendes et en rachetant des actions. Évidemment pas pour appâter des hedge funds, mais bien
– d’une part pour des raisons de revenus trop importants et «d’optimisation fiscale» comme on dit pudiquement,
– et d’autre part pour être en mesure d’attirer et de conserver les talents dont Apple a besoin pour continuer à innover.

Là où Tim est assez courtois pour partager le pain et le vin avec un Carl Icahn qui se plaît aujourd’hui à jouer la mouche du coche, il est assez jouissif d’imaginer la réaction qu’aurait pu avoir Steve, face aux menées d’un tel personnage !

Parmi les menaces auxquelles Apple doit faire face, celles qui portent sur sa propriété intellectuelle étaient beaucoup plus difficiles à gérer avec un Microsoft à l’acmé de sa puissance en 1998, et un Dell dont le modèle industriel était cité en exemple par le monde entier. Avec le recul, c’est bien la rechute, définitive cette fois, de la maladie de Steve qui a pu laisser penser aux dirigeants de Samsung Electonics qu’ils pouvaient espérer profiter de l’attention détournée d’Apple par le transfert de l’ADN de son fondateur, et la réorganisation qui en a suivi. Sinon pour prendre le meilleur sur elle, du moins pour la noyer sous le nombre.

Là est sans doute une part de l’explication du succès tout relatif de l’iPhone 5c, face à celui beaucoup plus net de l’iPhone 5s. Insuffisamment différencié par son design vis-à-vis du modèle premium, là où l’iPod mini tranchait véritablement avec l’iPod 3g, il a probablement 1 an de retard, si ce n’est 3, pour que le sentiment de différence perçu par rapport au modèle de l’année précédente soit opérant. Dès lors, Nokia eu beau jeu de traiter Apple d’imitateur, avec ses Lumia ressemblant à des iPod nano…

Comme Steve Jobs avant lui, et avec qui il a été à bonne école pendant plus de 13 ans, Tim Cook apprend à excercer son sens tactique, seul cette fois, en fonction des circonstances, des menaces et des opportunités. La roue tourne, dit-on, et la teneur du message délivré en juin 2005 aux étudiants de Stanford par un Steve toujours aussi fan de Bob Dylan n’était pas différente. “The Wheel Still In Spin…”, avait-il entre autres déjà cité devant les actionnaires d’Apple en octobre 1983 lors de la 1ère présentation publique du Macintosh, voici tout juste 30 ans, dans l’amphi d’un lycée de Cupertino qui jouxte la société.

«Can’t innovate any more ? My ass !»

Supports de projections privilégiés – Steve avait d’ailleurs mis beaucoup de lui-même dans ce premier Mac – La Pomme et ses produits ont toujours suscité des réactions projectives très personnelles, par définition irrationnelles et disproportionnées dans un sens ou dans un autre, à propos de ses péripéties. Les dernières affaires de tromperies et de cocufiage de la part de ses partenaires ne font pas exception à la règle. Quant au nouveau Mac Pro, successeur de ce premier Mac de l’histoire en version sur-vitaminée, il est attendu dans les semaines qui viennent – et avec impatience ! – par les professionnels de l’image et les éditeurs de logiciels.

Mais il ne fait pas non plus exception à la règle : certains esprits sans doute tourmentés ont cru y voir une urne pour les cendres de Steve, ou bien en retirant le capot, une partie de l’appareillage aidant le Seigneur Vador à survivre… On a même parlé de “vaisseau-mère” ou de “donut géant” à propos du nouveau campus…

Présenté sur le dessus comme le fait Apple sur son site, la symbolique du cercle dans le facteur de forme du nouveau Mac Pro, cylindrique et qui enchâsse un bijou d’ingénierie thermique à l’intérieur, parle d’elle-même. Est-ce vraiment un hasard? Est-ce un hommage à Steve, à partir de l’une des dernières idées partagées avec son ami le Vice Président du Design ? Alors que l’on connait bien à présent la façon de travailler de Jonathan Ive – depuis l’extérieur vers l’intérieur – cela ne peut être tout à fait fortuit, a fortiori si l’on se remémore l’émotion avec laquelle Phil Schiller avait dévoilé le modèle en juin dernier, devant les développeurs de la WWDC. N’en déplaise aux jocrisses qui auraient voulu voir Apple rapidement enterrée avec son créateur : l’esprit de Steve, avec son amour des formes géométriques pures, est toujours bien vivant au sein de sa société !