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Economie

AAPL : l’impossible équation d’Apple

iShen

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2584715_f520.jpgC’est un fait acquis : Apple n’a plus la côte auprès des investisseurs. Malgré des résultats record et des ventes d’iPhone flirtant pour la première fois avec la barre des 50 millions d’unités, la sanction a été très lourde puisque l’action du californien a perdu en une seule soirée 12% de sa valeur initiale, faisant même repasser le géant de l’électronique derrière Exxon en capitalisation globale. Le fait que les ventes sur le trimestre aient parfois “loupé” (de peu) certaines prévisions ne justifie pas vraiment un tel gadin : la plupart de ces “ratages” sont largement dus à des soucis de disponibilité et à un trimestre plus court d’une semaine pleine par rapport à la même période un an plus tôt. Rien donc qui aurait dû alarmer à ce point les boursicoteurs d’autant que la croissance reste franche sur les marchés porteurs, soit l’iPhone et l’iPad.

On pourrait aussi arguer des perspectives d’une croissance ralentie, confirmée d’ailleurs par Apple qui annonce seulement 7% de mieux pour le trimestre en cours. Mais outre le fait que le marché du smartphone fonce vers sa saturation (dont la date est estimée à mi-2014 selon l’excellent spécialiste Horace Dediu), même le principal concurrent Samsung a averti de perspectives de croissance nettement plus faibles, ce qui n’a pas abouti en ce cas à une réelle sanction des marchés.

Non, ce qui a visiblement irrité au plus haut point les huiles financières aura donc été l’annonce par Apple d’une baisse très franche de sa marge brute, passée sur la période de 44% à un peu plus de 38%, des chiffres qui démontrent pourtant que la politique de diversification des gammes a bien fonctionné : l’iPhone 4 a vu sa production relancée et l’iPad mini a fait chuter le prix moyen d’achat de l’iPad. Pour autant, ses efforts, déjà “punis” pour leurs conséquences pourtant logiques sur la marge, ne sont pas encore suffisants si l’on en croit… les mêmes analystes, qui veulent un Apple focalisé sur l’iPhone low cost tout en réussissant le tour de force de garantir une marge élevée, toujours plus élevée.

Autant le dire de suite, ces demandes cumulées ne sont pas conciliables. On ne peut pas demander à Apple d’investir, d’innover pour justifier ses prix élevés et se plaindre que ses investissements pèsent sur le coût global du produit final; on ne peut pas demander un iPhone nettement moins cher encore que l’entrée de gamme actuelle (symbolisée par l’iPhone 4) et ne pas risquer que cette offre ne canibalise, même en petite partie, le volume de vente des modèles plus haut de gamme. Au vu des très lourds investissements productifs consentis par Apple ces dernières années, et qui ont permis d’obtenir entre autre un iPhone très léger et puissant doté du premier processeur 100% Apple, il était impossible que cela n’ait aucune incidence sur la marge brute.

Les investisseurs placent donc Apple dans une situation de double-contrainte (ou double-bind) dans laquelle, et quoique la firme décide de faire, aucun choix ne sera considéré comme valable. Qu’Apple augmente à nouveau sa marge en gelant certains investissements et en limitant ses gammes, il sera facile de dénoncer le manque de perspectives ou le risque de stagnation technologique. Qu’Apple tienne compte de l’évolution du secteur qui aujourd’hui va vers le low cost sur nombre de marchés émergents, et immanquablement, les conséquences prévisibles sur la marge seront impitoyablement sanctionnées.

Face je gagne, pile tu perds : à ce jeu, seuls ceux qui parient sur la baisse de l’action peuvent y retrouver leurs billes, à croire que cette équation impossible n’existe que pour pouvoir finalement justifier de façon artificielle une baisse continue de l’action déconnectée de tous résultats réels. For heureusement pour Apple, le CEO actuel de la firme, Tim Cook, ne semble pas vouloir finir écartelé entre des demandes irréconciliables. Ses dernières déclarations laissent clairement entendre qu’Apple ne se pliera pas aux pressions extérieures et continuera à suivre ses fondamentaux, même au prix de quelques points de marge. Une réaction saine et qui montre qu’Apple n’est pas prête d’être dirigée en sous-main par quelques groupes de gros actionnaires le nez dans le guidon de la seule rentabilité maximale. Face à une situation de double-bind, le mieux souvent est de changer de cadre, face à une équation impossible, le plus raisonnable reste bien de changer d’équation.