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La clef de Kontakt !

Vendredi soir, 20h15. Mes musicos sont en relâche, le chien a bouffé les câbles MIDI et la carte SCSI de mon pauvre G3 350 vient de rendre l’âme, rendant du même coup mon Akaï aussi musical qu’une moule sans frite. J’ai un générique à faire pour lundi… A votre avis, je m’en sors ?

Calmusac

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Vendredi soir, 20h15. Le home studio vient tout juste d’être rebranché, mes musicos sont en relâche et la carte SCSI de mon pauvre G3 350 vient de rendre l’âme. Faut dire, la débrancher à chaud n’était pas une bonne idée. Bref, j’ai bien mon Metasynth d’amour et quelques softs maison, mais pour le bon gros son ma foi je n’ai que de l’intention. Heureusement j’entre dans ma bonne période, Native Instruments m’a fait livrer son Kontakt ce matin même. J’ai un neuf secondes à finir pour lundi 08h00. Ça va être l’occasion de voir ce que ce truc a dans le ventre, et un test de plus pour Mac… Plus.

Le carton est bien gros et contient, coup de chance, cinq CD-Roms d’échantillons libres de droits, un manuel comme on aime et que je range donc consciencieusement quelque part, plus évidemment le CD-Rom d’installation. Le logiciel me demande si je préfère l’utiliser en VST, comme plug-in ou comme vrai programme tout seul, adulte et indépendant. Comme je fais feu de tout bois, je sélectionne les deux derniers (oui, je n’aime ni Cubase, ni Logic). Quelques clics et un rédemarrage plus loin, me voici tout penaud devant l’interface de Kontakt, avec une question lancinante sur laquelle je débattrai volontiers si j’étais moins pressé : pourquoi les interfaces de ces logiciels là sont-elles souvent gaies comme le charbon ? Je ne demande pas les roses de Candy, mais le noir et les polices technos hein… me faut de l’efficace moi, le tape-à-l’oeil c’est suspect. Dubitatif et un peu désamparé, pour ne pas écrire que trois lettres, j’empoigne derechef le manuel un peu trop vite écarté. Paradoxalement, comme je n’ai pas de temps à perdre, je vais bouquiner une chouille.

Si l’on élimine l’anglais, l’allemand et l’espagnol, il ne reste au final qu’une cent-trentaine de pages à s’envoyer. Un musicien ne lira jamais un manuel de cent-trente pages, mais après tout avec un peu de temps, on retrouve vite ses petits. Par ailleurs, si j’en parle autant c’est aussi en hommage à la sympathique lucidité des rédacteurs (« les modes d’emploi, […] les musiciens ne les lisent quasiment jamais »), pour qui ce manuel est davantage une aide occasionnelle qu’un passage obligatoire avant la maîtrise du logiciel. En somme, aussi étonnant que ça puisse paraître, il vaut le coup d’être parcouru. Si la plupart des fonctions parlent d’elles-mêmes aux habitués de l’échantillonage, certaines plus personnelles au logiciel sont décrites avec ce qu’il faut de précision. Si vous avez un truc à faire dans l’urgence, aucun problème. Si vous voulez découvrir quelques potentialités vraiment sympas, prenez le temps de le lire.

Me voilà donc bien-comprenant désormais, je peux m’intéresser à mon péché mignon, les sons des cinq CD-Roms fournis. En général, soyons honnêtes, les sons de ce genre empruntent à Soundscan, croisé avec du SampleCell première mouture [[J’éclaircis, pour les non-initiés : vous n’impressionnerez personne avec ce Bontempi.]]. M’enfin par acquis de conscience, je copie les 3,1 Go sur un disque interne et je me décide à écouter tout ça. J’oscille entre basses, batteries, claviers, guitares et les best of synth, ce qui convient assez bien au style que je veux donner au générique (un truc électro technoïde, avec de la voix, pour rester proche des gens, coco). Et là, première surprise : c’est franchement pas mal. Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas, c’est pas de la prise de son au jus, on reste loin du violoncelle de Rostropovitch, mais c’est très nettement un cran au-dessus des sons gratos habituels. Quelqu’un a prévenu ces gens là qu’ils pourraient les vendre ? Les instruments faits maison sont quant à eux très léchés. Par contre les guitares sont… comment dire… n’écoutez pas les guitares.

Instrument

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A force de faire mumuse, il est une heure du mat’. Je n’ai toujours pas le début de ma première seconde, mais au moins je commence à bien saisir la clef de Kontakt[[C’était trop tentant…]]. Ainsi donc il va me suffire de régler l’interface via FreeMIDI et me voilà avec un échantillonneur logiciel de qualité, consommateur de RAM mais néanmoins bon compère du séquenceur. Akaï, je ne t’oublie pas, mais je vais pouvoir me passer de toi. Hop, j’ai repéré quelques boucles marrantes (oui mais là j’ai pas le temps), une basse synthé des années 80 tapera comme il faut, et pour le technoïde un son un peu trafiqué le fera bien. Reste l’intégration et le traitement de mes propres échantillons vocaux.
L’interface de Kontakt fonctionne par analogie avec des empilements de racks, 16 au maximum ayant chacun son canal MIDI. Chaque instrument est donc représenté par son rack, dont les options s’affichent ou se masquent au moyen de boutons, interrupteurs, et potentiomètres[[On ne râlera jamais assez contre la présence de potentiomètres sur une interface graphique !]]. La façade principale vous offre l’essentiel (et c’est tant mieux) : panoramique, volume, accord, modes solo et mute et quelques informations relatives à l’échantillon (canal MIDI, poids, velocité…). En pressant le gros bouton d’édition, se déroulent les options : source, ampli, filtres, etc. Les possibilités offertes sont franchement nombreuses. Fonction sympa : la possibilité de choisir son éditeur d’échantillon préféré ! A moi SoundEdit !

Je comprends donc, en cette nuit trépidante, que l’ensemble est construit sur cinq niveaux relativement familiers : échantillon, zone, groupe, instrument, multi. Une zone est la partie du clavier à laquelle l’échantillon est affecté (il n’y a qu’un échantillon par zone), et dont on peut régler l’affectation clavier, le volume, le pan et l’accord. Un groupe, équivalent d’un keygroup ailleurs, comprend plusieurs zones, et toute modification du groupe s’applique donc à toutes les zones qu’il contient (idéal pour les traitements audio de kits de batterie par exemple). L’ensemble des groupes constitue l’instrument. Et le multi est, en somme, ce que vous avez devant les yeux en ouvrant Kontakt, l’ensemble des instruments du plan de travail. C’est alors qu’un premier paradoxe se révèle : pour peu intuitive qu’elle soit, graphiquement, l’interface n’en est pas moins explicite dans ce qu’elle propose.

Structure

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Mais revenons à nos racks, ou instruments. Chacun possède ses propres modules de lecture d’échantillon, d’ampli, d’édition ou de mapping clavier, ainsi que des modules d’effet. Au total je repère, par groupe, un ampli, 6 inserts d’effet, 6 inserts d’instruments, 5 départs effet. Pas mal ! Si l’astuce de Kontakt va être de permettre d’intervenir sur le sons à tous les niveaux, échantillon, zone, groupe, instrument voire même multi, il faut également remarquer sa grande souplesse de routing du signal audio. En appli VST la chose prétend fournir 32 sorties audio séparées ou 16 stéréo (ramenez respectivement à 16 et 8 pour ASIO), mais surtout, en gérant le routing au niveaux des groupes, votre serviteur peut alors affecter chaque groupe individuellement à la sortie audio qu’il préfère… chaque canal audio possède ses propres réglages de volumes, EQ et effets, je n’ai pas besoin de vous faire un dessin de l’intérêt de la chose.

En ce qui concerne les fonctions, un cours sur l’échantillonnage aura davantage sa place sur MacMusic[[Il en existe une introduction ici.]] et les possibilités offertes par Kontakt sont très, très… très complètes. Et brouillon comme je suis, j’ai plaisir à constater, en cette nuit agitée, que les développeurs ont pensé à moi en permettant de supprimer les artefacts facilement (attention tout de même, l’opération est destructive). L’ensemble du processus d’édition d’instruments et d’échantillon est, pour tout dire, infiniment plus agréable directement sur Mac que sur une machine dédiée. Akaï, je ne t’oublie pas… tu vaux encore un bon prix ! Plus sérieusement, la manipulation à grands coups de glisser-déposer est d’un confort à toute épreuve. Du time-stretching aux modifications de formants en passant par l’édition de boucle, travailler avec Kontakt se révèle extrêmement agréable, en dépit de l’interface plutôt naze. Côté sampler, la fatigue due à une longue période de travail n’a pas gêné ma compréhension du tone machine, synthé granulaire permettant de calquer les caractéristiques tonales d’une sonorité à un sample, très propre ; ni de la time machine d’ailleurs, granulaire aussi mais dédiée elle au time-stretching dans ce qu’il a de plus global. C’est ainsi que, vers 3h, j’ai pu constater le merveilleux effet de la synchronisation des voix en utilisant un vrai Legato, sans altération.

Côté filtres, les standards sont présents, et l’on notera la présence de l’original 6 Pole Lowpass 36 dB (atténuation de 36 dB au dessus de la fréquence de coupure), assez violent mais pas inintéressant du tout, ou encore du pratique mais gourmand en CPU 3×2 multimode, contenant 3 filtres distincts (de 12 dB par octave). En ce qui concerne les effets plus courants, la distortion permet une sélection tube/transistor au résultat franchement convaincant, et les adeptes de musique hardcore technopunk seront ravis de trouver leur Lo-Fi préféré !
Pour finir, la plupart des paramètres de Kontakt tirent pleinement partie de leur ipséité logicielle en pouvant être modulés par une source externe (vélocité, aftertouch, pitchbend…), LFOs, enveloppes ou autres. Le tout, à la souris, évidemment.

En conclusion

En conclusion, j’ai fini par faire mon 9 secondes avant d’aller dormir ! Et en plus les producteurs ont adoré, donc je n’ai même pas eu honte de faire de jolis rêves. Concernant le produit, j’ai été séduit. Le simple fait qu’il soit sur le Mac, et puisse donc être entièrement dirigé à la souris et au clavier, lui confère un confort d’utilisation in-com-pa-rable ! Côté ergonomie, si la présentation des structures affichant, pour chaque multi, les groupes, groupes de voix, zones et modules, ou encore la possibilité de créer des “favoris”, sont des plus appréciables, je ne me ferai pas de sitôt aux interfaces technoïdes, avec leurs menus déroulants trop étroits, leurs potars encourageant un flou artistique de cache-misère et leur lourdeur qui rend parfois le temps de réaction de l’application franchement énervant.
Le son, élément capital de l’affaire, n’est pas particulièrement flatté et c’est tant mieux. Il est traité de manière très propre et permet des rendus professionnels. Par contre, évidemment, Kontakt est un gros consommateur de RAM. De la taille des échantillons chargés aux effets choisis, tout est stocké dans ce volatile composant, et quand on sait qu’il en est de même pour la plupart des applications musicales, on peut comprendre l’hésitation ressentie à surcharger son Mac. Si vous estimez que seuls DP ou ProTools ont leur place sur votre bécane, et que la RAM vous a déjà coûté bien assez cher, ou bien si vous utilisez déjà des applications très coûteuses en CPU, passez votre chemin. A l’inverse, si vous n’avez pas envie de dépenser 2000 euros dans un échantillonneur rackable et ne craignez pas d’utiliser plusieurs applications sur la même machine, foncez ! Jusqu’ici Kontakt s’est montré tout à fait stable. Je m’attendais à un gadget, j’ai eu droit à un échantillonneur d’excellente qualité, sans doute l’un des plus complets actuellement sur le marché, et oserai-je même dire, à un nouvel instrument de musique.

Illustration rapide


Site de l’éditeur
– Prix : 400 euros


Pour :
– la flexibilité et le nombre de possibilités créatives
– le confort d’utilisation
– les synthés granulaires
– la compatibilité FreeMIDI/MAS/DirectConnect/ASIO
– la reconnaissance des formats principaux (S-1000/S-3000, Gigasampler, SF2, HAlion, EXS, SDII, BATTERY, REAKTOR Map, LM4, AIFF et WAV de 8 à 32 bits – EMU est prévu).
– le prix

Contre :
– l’interface franchement pénible
– l’ergonomie douteuse
– la conso en RAM (mais là c’est vraiment pour dire quelque chose…)