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Justice

Posner contre le brevet logiciel : le retour

iShen

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posner-2.jpgLe juge Posner n’en a pas fini avec les brevets logiciels. Déjà auteur d’une première sortie après avoir décidé d’annuler purement et simplement des plaintes croisées entre Apple et Motorola, le bonhomme repart de plus belle.

On y retrouve son argument massue, qui étrangement ne concerne pas le fait que nombre de brevets logiciels se basent sur de simples fonctions.

Pour Posner, le point d’achoppement est celui du coût. Un brevet n’a de valeur que parce qu’il a fallu beaucoup de valeur justement pour le mettre en place. A partir de ce point de vue, il justifie à nouveau le brevet sur les médicaments, dont les seuls tests coûtent plusieurs centaines de millions de dollars. L’interdiction de toute copie est alors de facto justifiée selon Posner car sinon tout cet investissement aurait été totalement perdu.

Et une fois de plus, Posner estime que le logiciel est pauvre en ressouces humaines, en argent dépensé, et en inventions réelles ce qui de facto ne permet plus la justification d’une protection renforcée.

Alors même que le bouillant juge a fait une demande auprès du gouvernement américain afin de remettre à plat ce système de brevets logiciels, ses arguments interpellent, à tel point qu’on peut se demander si Posner est vraiment un bon défenseur de la cause qu’il prétend honorer.

En effet, si seul le coût justifiait la protection intellectuelle, aucun artiste ne pourrait plus vivre de ses talents. Un crayon ne coûte pas grand chose et le temps passé à écrire un roman à succès ne se compte pas en millions de dollars. La protection ne se justifie pas plus par le seul versant de l’innovation radicale. Même dans le domaine pharmaceutique, les évolutions incrémentales coûtent de toute façon une fortune. L’originalité d’une oeuvre ou d’un code peut largement suffire à justifier aujourd’hui sa protection. Et cas inverse, une invention radicale, c’est déjà arrivé, peut survenir avec un très faible investissement financier au départ.

Posner est-il au courant que nombre de découvertes médicamenteuses sont survenues par hasard, en marge parfois d’autres recherches plus ciblées ?

Cette vision strictement marchande du brevet, et qui enfoncerait la porte à d’autres bouleversements en dehors de la sphère du brevet logiciel si elle était appliquée, est sans doute la grande faiblesse de la position de Posner, qui sous couvert de défense de la concurrence sur certains marchés, privilégierait alors ceux qui peuvent investir des milliards tandis que d’autres secteurs seraient livrés à la copie généralisée parce que l’investissement initial serait jugé trop faible.

Et que dirait Posner si demain Apple arrivait à produire une invention radicale (par exemple sur de nouvelles générations de batteries, Apple y travaille), ayant demandée de très lourds investissements, mais dont le côté profondément “disruptif” pénaliserait énormément le marché si l’invention n’était pas au moins proposée sous licence ?

Justifierait-il la captation du marché par Apple en ce cas ou finalement n’est-ce pas aussi et surtout la nature ultra-compétitive du marché mobile qui le pousserait à défendre la libération de tout brevet dans ce secteur ?

Car Posner semble surtout défendre, au dessus de tout, le contexte concurrentiel spécifique de chacun des marchés : marché bloqué entre quelques gros acteurs qui investissent des milliards du côté des labos pharmaceutiques opposé au marché ultra-concurrentiel et rapidement mouvant du secteur mobile. En clair un marché par nature “sauvage” et très évolutif n’aurait plus de règles, tandis qu’un marché inscrit dans la durée et le retour sur investissement devrait lui être avoir des barrières solides. Un mélange de vision libertarienne et conservatrice au final, à la carte.

Tout n’est cependant pas aussi critiquable dans la position de Posner qui juge aussi durement la durée excessive d’application des brevets, qui s’étale jusqu’à 70 ans dans certains cas.

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