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Édito

La révolte des exclus ?

Il fallait s’y attendre, la préparation d’artillerie anti-licence globale qui a précédé la deuxième offensive du projet de loi Droits d’Auteur et Droit Voisin dans la Société de l’Information dont l’examen a commencé hier soir devait au moins susciter quelques réactions. Ça n’a pas manqué.
Mais la surprise est venue d’ailleurs…

Boro

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Il fallait s’y attendre, la préparation d’artillerie anti-licence globale qui a précédé la deuxième offensive du projet de loi Droits d’Auteur et Droit Voisin dans la Société de l’Information dont l’examen a commencé hier soir lundi 6 mars 2006 devait au moins susciter quelques réactions. Ça n’a pas manqué.
On se préparait à des accrochages à propos de Dispositifs de Controle d’Usage, voire une bataille de tranchées sur la licence globale, quelques coups de mains sous forme d’amendements nocturnes audacieux. Même le déminage systématique entrepris depuis 2 mois par le Ministre de la Culture sur le thème de l’équilibre aura été de peu d’efficacité.

Sur le terrain parlementaire, le gouvernement et la majorité UMP ont d’abord réglé le sort de la tête de pont des partisans de la licence globale… en lui substituant un article additionnel afin d’éviter une pénible relecture en fin d’examen. Celui comprend 4 exceptions au droit d’auteur : pour des copies techniques liées au fonctionnement technique des serveurs ou de machines des particuliers, comme les “caches” ; pour un accès élargi aux œuvres en raison d’un handicap important de nature psychique, sensorielle ou motrice ; pour les bibliothèques et les archives ouvertes au public, pour la conservation de documents dans un format technique ou obsolète ou carrément retirés de la vente ; pour la presse afin de lui permettre de continuer à exercer son travail sans risquer le harcèlement judiciaire en cas d’inclusion.

On ignore si cette esquive aura véritablement l’avantage de la surprise : un certain nombre de journalistes devaient vraisemblablement être dans la confidence, au moins depuis hier matin. Mais c’est plutôt du terrain judiciaire qu’est venu la véritable surprise de cette 1e journée, la SPEDIDAM ayant assigné les 6 principaux sites de téléchargements français payants, pour contrefaçon des droits des artistes-interprètes (voir la dépêche du 6 mars).. La SPEDIDAM qui collecte les droits et les rémunérations des artistes interprètes au titres des droits voisins  – l’équivalent pour les interprètes du droit d’auteur pour les auteurs et compositeurs – a donc attaqué les adversaires de la fameuse licence globale sur leur propre terrain : la loi exige en effet une autorisation écrite de tous les artistes interprètes pour toute utilisation de leurs œuvres enregistrées. Elle est juridiquement en mesure de le faire au nom de ses 27 000 adhérents.

Au service juridique de la SPEDIDAM que nous avons contacté, on ne conteste pas qu’il s’agit effectivement d’une manœuvre sur un terrain beaucoup plus large, celui de la légalisation et de la monétisation des échanges peer-to-peer, quitte à pointer que le discours du gouvernement et des principaux acteurs sur les “plate-formes légales” qui n’en sont pas vraiment puisqu’elles qu’elles fonctionnent semble-t-il en dehors du respect de la loi.

Mais il s’agit avant tout de la revendication d’une catégorie qui se sent exclue du partage de la la nouvelle donne numérique : les artistes représentés au sein du collectif “public-artistes” lequel défend la licence globale avec pugnacité sont ceux qui ont le moins de probabilités à la loterie de la notoriété, et donc le moins de chance de vendre sur leur nom, quand le tenants du “nom” sont tous pour la plupart de gros vendeurs de disques… ou du moins aspirent à le devenir. C’est d’ailleurs sur ce flanc qu’Universal Music, à la fois grosse Major et propriétaire d’eCompil n’a pas tardé de contre-attaquer : faisant savoir que les albums de ses artistes-maison (Bashung, Arthur H, Maxime Le Forestier, Eddy Mitchell, Michel Sardou) ou de ceux liés à d’autres maisons de disques (Patrick Bruel, Julien Clerc, Etienne Daho, Johnny Hallyday, Jacques Higelin,Patricia Kaas, Serge Lama, Pascal Obispo, Renaud, Véronique Sanson, Alain Souchon) qui sont concernés par la plainte avaient manifesté dans la presse leur opposition à la licence globale… à l’exception d’un seul et bien sûr des défunts.

Le débat qui a jusqu’à présent été caricatural ne risque pas de s’améliorer de sitôt. Il pourrait même laisser des traces entre les artistes eux-mêmes, pour le plus grand profit de leurs employeurs. Un certain nombre de solutions techniques existent ou sont à l’étude où l’on retrouve… le peer-to-peer. Reste à décider de leur viabilité économique. La question ne manquera sans doute pas de susciter des débats de haute tenue, une fois encore… Pour l’instant, Donnedieu de Vabre se retrouve lui comme avec les intermittents du spectacle face aux exclus du partage, et du côté des nantis, dans une barque gouvernementale qui commence à prendre l’eau. Ça fait beaucoup.

PCINpact pour la réaction d’Universal