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Prospective

MacBook Pro 17 : sujet-symptôme… ?

En pleine mutation, le secteur des revendeurs d’Apple s’interroge… Retour sur une histoire d’amour compliquée

Boro

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Comme certains de nos amis du Webmac francophone, nous avons nous aussi – comme c’est la loi du genre – reçu il y a quelques jours le mail d’un lecteur-revendeur Apple, lequel s’étonnait du peu de publicité fait à la difficulté pour les revendeurs de se procurer les derniers MacBook Pro auprès de leurs grossistes, les commandes fermes s’accumulant sans possibilité de les satisfaire rapidement et les MacBook Pro arrivant “au compte-gouttes”.

Les revendeurs agréés ne sont pas les seuls dans ce cas et, d’après plusieurs coups de sonde que nous avons donné, c’est également le cas des Apple Premium Resellers, enseignes plus particulièrement destinées à une clientèle professionnelle et dont Apple s’est fixé pour objectif d’atteindre les 60 magasins ouverts avant la fin de l’année… ceci sur un vieux fond de méfiance réciproque entre Apple et ses différents détaillants, à l’heure où le californien s’apprête à ouvrir en nom propre ses premiers magasins de brique-et-mortier dans l’hexagone, à l’automne si l’on en croit SVM Mac.

Le modèle phare de la gamme nomade professionnelle d’Apple est ainsi unanimement décrit comme difficile à obtenir par les revendeurs de la marque, et ce, depuis sa disponibilité décalée en mars dernier ; ceux-ci relèvent d’ailleurs d’un ton désabusé que le constructeur privilégie de longue date, d’une part son propre réseau de distribution avec l’AppleStore en ligne – où ledit modèle 17 pouces était jusqu’aux différents ponts disponible en 24h – d’autre part son marché domestique et la zone U.S. Pour tout dire, il semble avant tout symptomatique de l’histoire d’amour compliquée que la firme à la Pomme entretient de longue date avec ses différents réseaux de distribution.

De la friture sur le canal…

Le malaise et la suspicion réciproque ne datent ainsi pas d’hier, puisque les premières escarmouches coïncident à peu près exactement avec retour de Steve Jobs aux commandes en 1997. Très vite, celui-ci avait mis en œuvre son intuition du milieu des années 90, alors même qu’il était encore aux commandes de NeXT : s’appuyer sur internet pour court-circuiter des intermédiaires trop souvent coupables à ses yeux de prélever une marge conséquente sur le prix des machines, sans apporter en échange la moindre valeur.

De fait, le lancement de l’AppleStore en ligne en 1997 et les options de personnalisation dites «build-to-order» qui lui ont été longtemps réservées, la diminution progressive des marges des revendeurs et leur substitution par des marges-arrières, une certaine valse-hésitation de part et d’autre de l’Atlantique en ce qui concerne la présence dans la grande distribution, et au final le lancement des Apple Stores de brique-et-mortier à partir de 2001 aux États-Unis n’ont fait que perpétuer le malaise, un nouveau motif d’incompréhension chassant l’autre tous les 3 ou 4 ans, à peine la précédente réforme «digérée»… et ce alors même que les marges directes sur les machines diminuaient, tandis que les parts de marché de la marque atteignaient un étiage : beaucoup ont entretemps du mettre la clef sous la porte, ou se diversifier pour survivre.

Les protestations des dirigeants d’Apple ou les égards de Pascal Cagni le vice-président EMEIA et papa du concept des Apple Premium Reseller n’en peuvent mais : les revendeurs de la marque soupçonnent toujours celle-ci, sinon de mener double-jeu, du moins de ne pas mettre toutes les cartes sur la table.—–

Une histoire compliquée

En effet, après une première alerte en 2004 (lire «30 à 35 “AppleStores” français»), bientôt suivie par la mise en place du concept des APR au niveau européen, les revendeurs français doivent cette année encaisser en même temps la réforme des APR et se faire à l’idée que, cette fois ça-y-est : après les américains et les anglais leur tour est venu, il y aura bien des Apple Store en dur sur le sol français comme sur l’ensemble du continent européen… et peu importe si la montée en puissance simultanée des deux canaux plaide pour une stratégie globale, avec un maillage sur 2 niveaux.

Sur le papier, la répartition des tâches est assez claire, avec d’un côté les professionnels ou les «prosumers» pour les APR, plutôt dans des villes moyennes ou dans une banlieue aisée de grande ville, de taille comparable ; le grand-public pour les Apple Store ou la grande distribution, ainsi qu’une poignée de magasins de prestige dans chaque pays – dont quelques marques à identité forte comme Orange- France Télécom à la Madeleine et aux Champs-Élysées, ou Sony avec la boutique Sony Style George V – ont d’ores et déjà copié le concept.

Même si – a fortiori lorsque l’on sait à quel point rien n’est laissé au hasard chez Apple – la différence d’ambiance sonore dans les 2 types de magasins plaide pour une ligne de clivage nette entre les 2 catégories (aux APR l’ambiance feutrée propre au conseil du B to B ; aux Apple Stores le brouhaha et l’effervescence propres à favoriser les achats d’impulsion) – le bât blesse quand les APR sont implantés trop près de l’emplacement d’un Apple Store potentiel et craignent de se retrouver, peu ou prou, en concurrence frontale avec l’un d’eux. On pourra se rapporter au reportage vidéo de MacGénération réalisé en Suisse sur le sujet, mais c’est également par exemple le cas du flagship de Regent Street, à Londres.

Apple, une maîtresse exigeante

Car les défis que La Pomme impose à ses revendeurs – auxquels elle reproche d’avoir trop souvent attendu le chaland sur leur pas-de-porte – ne sont pas minces, et la marque leur demande de prendre pas mal de risques en termes financiers : les magasins doivent s’implanter dans des zones de chalandise suffisamment attractives et proches du centre-ville ; disposer d’un personnel suffisamment nombreux et formé – au besoin par Apple et aux frais de la société comme c’est le cas des techniciens de maintenance – et si possible des spécialistes d’un secteur-clé de la clientèle traditionnelle d’Apple (architecture, éducation, création visuelle ou sonore, médical…) labellisé sous l’appellation d’Apple Solution Expert. En outre, les magasins doivent respecter un certain nombre de règles et de codes précis en matière d’agencement intérieur, même si Apple contribue de façon non négligeable au coût de l’aménagement.

Enfin – et ce n’est pas le moindre de ces défis – les diverses sociétés qui composent le puzzle des revendeurs Apple ont été très fortement incitées à « grossir » et à profiter de l’extension du réseau pour se risquer ouvrir de nouveaux magasins, à coups de marges arrières proportionnelles à l’augmentation de leur chiffre d’affaires. But officiel de l’opération : multiplier les groupes à la tête de 5,6 magasins, voire davantage, capable d’absorber des volumes importants de machines, et de l’aider ainsi à raccourcir ses immobilisations et à purger plus rapidement ses inventaires lors des renouvellements de gamme. Autre objectif, sans doute nettement plus officieux, éviter la constitution de groupes trop prééminents dans la distribution des produits de la marque, et ce fait capables de négocier en position de force avec elle…

Les très rares enseignes qui s’étaient donné beaucoup de mal ces dix dernières années pour atteindre une dimension quasi-européenne ne s’y sont pas trompé, et n’ont pas tardé à faire jouer leurs relais dans l’opinion : agitant d’une main l’épouvantail Apple Store mais en se préparant également à lancer des initiatives, en segmentant leurs activités sur le terrain du marché «pro», de l’occasion ou de la vente en ligne. Si l’on ajoute à cela qu’elles sont également plus exposées, avec souvent plusieurs magasins à Paris intra-muros et une présence sur le segment grand-public…

L’objectif désormais assigné à ses revendeurs, moyens ou gros (les petits étants plus ou moins condamnés à disparaître) : abandonner le grand-public aux Apple Stores qu’ils soient de clic ou de mortier et à la grande distribution spécialisée, et vendre de véritables solutions aux professionnels – et plus seulement des machines sur lesquelles ils ne réalisent que quelques dizaines d’euros de marge – avec de l’AppleCare, des logiciels, des périphériques et, éventuellement, du S.A.V. En un mot, du suivi, c’est-à-dire ni plus ni moins que la fidélisation leur clientèle… et de la sienne. Un vrai défi à l’heure du règne du “consommateur” et des “chasseurs de prix” !—–

… Et le MacBook Pro 17 pouces ?

Quant au MacBook Pro 17 qui avait motivé l’intervention de notre revendeur, et dont la disponibilité n’en finit pas d’osciller entre 1 et 2 jours ouvrables au gré des ponts et des jours fériés, il peut être effectivement représentatif du constraint, l’une des cordes sur laquelle Apple joue parfois pour alimenter le buzz en «pinçant» juste ce qu’il faut sur les approvisionnements de l’un de ses produits particulièrement innovants. C’est d’ailleurs ces derniers jours qu’Apple a choisi de lancer une campagne de communication internet sur certains sites français, comme Le Monde.fr, ou la version francophone de ZDNet.

Une autre hypothèse est que La Pomme serait en train de mettre en réserve les unités de stockage ultraplates qui composent sa batterie révolutionnaire, avant de généraliser celle-ci à l’ensemble de sa gamme nomade «unibody», dans le cas où la version résine du Macbook serait maintenue au catalogue. L’ensemble de la gamme Macbook et Macbook Pro doit en effet évoluer d’ici la fin juin (lire Macbook pro unibody 17 : le test), non parce que certains sites de rumeurs l’ont annoncé, mais bien parce qu’aucune des machines de la gamme, depuis le 13,3 jusqu’au 17 pouces, n’est à la norme Energy Star 5.0 qui entrera en vigueur le 1er juillet prochain.

Une fois adaptée, de 8 cellules pour le modèle 17 pouces à 6 ou 4 pour ceux dotés d’écrans de 15 et 13,3“, il y a fort à parier que l’ensemble de la gamme sera beaucoup plus facilement accessible : le spot qui tourne sur le Web évoque d’ailleurs indistinctement la «famille» MacBook et sa batterie plus écolo… Il reste à espérer que l’usine qui fabrique les fameuses batteries tienne le choc !