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Justice

Plainte iBooks : premiers éléments d’enquête

iShen

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La plainte à l’encontre d’Apple et de deux autres éditeurs de renoms continue de faire des remous.

Après la réaction du PDG de Macmillan, c’est le site TheVerge qui s’est penché avec attention sur le dossier déposé par le gouvernement US.

Les éléments fournis sont de plusieurs ordres, certains tenant de déclarations d’intention des intéressés (les éditeurs expliquant vouloir sortir du modèle de prix unique, et bas, d’Amazon), d’autres sont clairement plus inquiétants puisque la plainte fait état de réunions plus ou moins secrètes entre des représentants des éditeurs et ceux d’Apple pour une entente illicite sur le tarif des eBooks.

Les déclarations d’intentions sur les prix jugés trop bas d’Amazon et la volonté de se rallier derrière Apple qui laisse les éditeurs libres de fixer les prix ne semblent pas en elle-même illégales.

En fait, il semble bien que tout parte de la façon dont le DoJ interprète le choix d’Apple de proposer un modèle d’agence redonnant la liberté des prix aux éditeurs et non plus au seul distributeur. Pour le DoJ, le modèle d’agence est un pion stratégique d’Apple ayant pour seul but d’obliger à une augmentation des tarifs généralisée sur le prix des eBooks, cassant la dynamique compétitive d’Amazon. La clause d’interdiction de vente en dessous du prix de l’iBookstore ainsi que la taxe de 30 % d’Apple étant un levier fort pour casser le prix unique de 9,99 dollars proposé par Amazon.

Si des propos de Steve Jobs ou d’Edie Cue confirment bien les intentions d’Apple, il n’en reste pas moins que toutes les décisions récentes d’Apple concernant la vente en ligne vont dans le même sens. Difficile alors de penser que le californien fait une distinction spécifique pour les iBooks, même si cette stratégie sert ses intérêts.

En effet, même le prix unique du morceau musical est maintenant caduc, Apple laissant aux maisons de disques une latitude tarifaire, ce qui fait qu’on trouve aujourd’hui des morceaux au-delà d’un euro ou des variations de prix sur les clips; idem concernant les applications, le marché ayant ici tranché en faveur d’une baisse généralisée des tarifs. Il semble bien qu’Apple favorise de façon générale, et non ciblée, la liberté de tarification, à partir du moment où il peut toucher sa dîme des 30 %. Le tarif unique n’est manifestement plus une priorité et on voyait mal de toute façon Apple utiliser la même stratégie qu’Amazon, c’est-à-dire décider par lui-même du tarif des livres dans sa boutique.

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Le fait est que les éditeurs reprenant la main sur les prix du marché, les ententes restent possibles entre les grandes maisons d’édition, afin de se partager le gâteau en tarifant au prix fort et ainsi préserver leurs marges. Mais on pourrait somme toute soupçonner de tels accords de la part des maisons de disques, des éditeurs de Bande dessinée ou de logiciels qui ont eux aussi toute liberté d’imposer leurs tarifs et qui ont pourtant choisis de jouer plutôt les prix bas et la concurrence tarifaire pour vendre en masse.

Les majors productrices de séries ou de films ont choisi elles des tarifications élevées, à l’image des maisons d’édition, et ne sont pourtant pas dans le viseur du DoJ alors que la concurrence ne semble pas vraiment jouer à plein (et c’est peu de le dire).

Au-delà des interprétations, y compris celles du gouvernement US ou de l’Europe qui planche aussi sur le sujet, le vrai point d’achoppement reste donc les preuves éventuelles d’une entente illicite, c’est-à-dire des réunions, des coups de fils, des emails démontrant que les différents protagonistes se sont tous mis d’accord ensemble et non par regroupement de décisions individuelles, ce qui constitue en ce cas une torsion du marché, la tarification ne s’exerçant pas de façon libre.

Mais cette tarification était-elle vraiment plus libre lorsqu’Amazon imposait son prix en tant que distributeur, avec en plus une position très dominante sur le secteur ?

On le voit, les éléments qui font surface apportent plus des questions et des besoins d’analyses que des réponses toutes faites.

Une chose semble sûre : dans tous les cas de figure, si le DoJ peut prouver qu’il y a bien eu collusion d’intérêts, en présence physique ou verbale de plusieurs des parties incriminées, alors l’entente illicite passera du soupçon au fait établi.

La plainte actuelle fait déjà état d’emails échangés et de coups de fils, mais n’en indique pas la teneur exacte, ce qui laisse libre cours à toutes les supputations, d’autant plus qu’on voit mal Apple et deux autres éditeurs refuser l’accord du gouvernement si les faits pouvaient être aussi clairement établis.

Cette affaire est donc vraisemblablement partie pour être une longue suite de procédures judiciaires et de joutes entre avocats des deux parties concernées, des épisodes à venir dont MacPlus fera régulièrement la synthèse.

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