La Pomme, le cartable et le GNU
Entretien avec Richard Ramos d’Apple France, à l’occasion de la présentation de la pochette de ressources éducatives “des logiciels libres pour l’école”, en collaboration avec l’Éducation Nationale.
Avec la présence de la classe de La Roseraie à l’Apple Expo (voir édition du 6 septembre 2004) et après le Plan Micro Portable Etudiant fin septembre (voir édition du 29 septembre), la session de formation ITICA début novembre (voir édition du 16 novembre 2004), Apple France est de nouveau sur la brèche, sur le secteur de l’Éducation : la coopération très étroite avec les CRDP de Paris et de Versailles a donné lieu à une 4e initiative en moins d’un trimestre, avec l’édition et la mise à disposition de 30 logiciels éducatifs destinés aux enseignants et aux parents d’élèves des 3 cycles du 1e degré (maternelle et primaire) (voir édition du 14 décembre 2004).
Une réflexion sur le fond
L’accord-cadre signé le 4 juin dernier entre les Ulis et la rue de Grenelle, notamment son 1e avenant, prévoyait certes une coopération et des actions auprès des enseignants et des personnels de l’Éducation, mais en l’occurence, la pochette avait déjà présentée lors du dernier Salon de l’Éducation (voir édition du 22 novembre). La communication programmée par Apple dès l’origine le 10 décembre, soit une vingtaine de jours après après sa présentation effective, montre que celle-ci s’inscrit dans une démarche plus générale. MacPlus est revenu sur cette initiative avec Richard Ramos, responsable du Education Apple France, au cours d’un entretien en marge de cette présentation.
Rappelons les grandes lignes de l’opération (voir les détails ici): le Centre Régional de Documentation Pédagogique de Versailles et celui de Paris co-éditent un pack d’une trentaine de logiciels éducatifs, à destination des enseignants et des élèves du Premier Degré, de la petite section de maternelle au CM2.
La particularité de l’initiative réside dans le fait qu’elle présente les mêmes logiciels sur 3 CD-Roms différents, à destination des 3 principaux OS utilisés dans le monde de l’Éducation : OS X, Linux et Windows. Les logiciels eux-mêmes ont été développés par des enseignants, et sont distribués sous le mode de la licence libre d’utilisation (GNU), accompagnés de fiches pédagogiques elles-mêmes placées sous la Licence de documentation libre GNU. Chaque pochette est vendue 5€, et peut-être librement copiée par exemple à l’intérieur d’une classe. On y trouve enfin les outils OpenSource à la consultation et à l’évolution des contenus, avec OpenOffice.org ou SPIP, bien connu des lecteurs de MacPlus eux-aussi.
Richard Ramos insiste sur la richesse du travail de collaboration qui a donné lieu à ce résultat : entre Jean-Pierre Archambault chargé de mission au SCEREN, Michèle Dreschler Inspectrice de l’Éducation de la Moselle, et Jean-François Joureau du pôle éducation d’Apple France. Il y a eu ainsi un gros travail de collecte et de sélection des logiciels, de rédaction des fiches pédagogiques, et de compilation des softs.
Apple a ainsi pris à son compte toute la partie technique de l’opération, y compris le portage des logiciels, grâce à l’environnement QT,et la navigation à l’intérieur des CD-ROM qui s’effectue sur le mode de la navigation web, grâce à une interface HTML / Perl. Il est ainsi possible d’installer les logiciels de façon beaucoup plus aisée.
Il y a aussi eu en amont des négociations avec les développeurs par rapport à l’utilisation de la plate-forme de développement, mais le “pont” avec Linux est particulièrement fluide : en ce qui concerne OS X, sur la 30aine de logiciels présents, 6 sont directement “portés” du monde Linux avec une interface X11, pour environ 25 développés de façon native pour OIS X avec une interface “Aqua”, et sans que l’on puisse faire la différence.
Pour autant poursuit-il, “il ne s’agit pas de se mettre en compétition avec de gros éditeurs comme Hachette, mais plutôt de favoriser la satisfaction d’une demande de la part des enseignants, d’autant que bien souvent des professeurs ont de leur côté commencé d’élaborer une réponse“.
Il reste ainsi à inventer un mécanisme de rétro-action des utilisateurs, et de remontée de leurs propres apports. C’est ce qui est d’ores et déjà prévu sur l’espace 1e degré du pôle “Logiciels libres” du SCEREN, avec notamment un forum pour la mutualisation des pratiques pédagogiques et la mise à disposition des nouveautés.
Et si d’ordinaire on est peu enclin à parler des projets en cours chez Apple, Richard Ramos est cette fois-ci catégorique quand on lui pose la question : il y aura bien d’autres CD “Logiciels libres pour l’école”, et une réflexion est même engagée pour une initiative similaire à destination du secondaire.
On est donc particulièrement satisfait aux Ulis de la relation de confiance et du vrai partenariat qui s’est mis en place avec le Centre National de Documentation Pédagogique, et ce d’autant plus qu’à Poitiers la prise de conscience de l’intérêt de travailler sur une plate-forme “ouverte” a rencontré une vraie demande en ce sens de la part des enseignants… et le positionnement stratégique d’Apple en tant que champion du logiciel libre avec OS X .
Les efforts d’Apple en direction du monde de l’OpenSource sont en effet manifestes, avec notamment la traduction de l’ensemble de son jeu d’Apple Programmer Interface pour Linux, afin de faciliter les passerelles entre les 2 types d’UNIX. Mais l’initiative porte en même temps sur un secteur de l’Éducation à la fois hautement symbolique par sa dimension historique, et stratégique en terme de potentialités de croissance.
Le positionnement en tant que plate-forme “ouverte” pourrait ainsi jouer dans le secteur de l’Éducation un rôle de “sésame” comparable à ce qu’on a pu voir dans le secteur de l’Entreprise (voir édition du 9 août 2004).
Le “libre” à l’école est donc à double titre un enjeu stratégique pour Apple, et ce alors que l’Éducation est clairement l’un des objectifs prioritaires affichés par la Pomme, que ce soit au niveau global, européen et bien entendu hexagonal comme le rappelait par ailleurs Pascal Cagni son vice-Président pour l’Europe, voici à peine quelques jours.
L’open source représente ici aussi un vecteur supplémentaire de progression, parallèlement à une offre propriétaire plus traditionnelle : généraliste et développée en propre (iLife 04, Production Suite, Logic), ou en externe spécifiquement pour l’usage pédagogique, avec des partenariats montés avec des poids lourds de l’édition.
Les résultats sont d’ailleurs d’ores et déjà positifs et les chiffres que nous a donné R. Ramos à cette occasion sont sans équivoque : quand Apple affiche des résultats en progression de 30% pour le marché français dans son ensemble, le secteur de l’éducation présente lui un bonus de 40%, et alors même qu’il représentait déjà 12 à 15% du secteur.
Apple est donc d’ores et déjà très présent et en excellente position sur le marché de l’Éducation français. C’est sans doute pourquoi on sentait Richard Ramos beaucoup plus confiant que voici seulement 6 mois. Et si “le discours d’Apple et l’accent portent davantage sur l’utilisation que sur la performance et la technologie des machines“, ce n’est sans doute pas non plus sans arrière-pensées, puisque les machines qui sont à vocation éducation sont toujours à base de G4…
Il reste à inventer l’utilisation de PowerPC 64 bit et de Tiger dans un environnement pédagogique, en attendant, que le G5 puisse être intégré aux machines de la classe mobile…
