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Véhicule autonome : Apple réduite à Kia ? [MàJ]

Apple ferait appel dans un premier temps au savoir-faire de plusieurs constructeurs traditionnels, dont la filiale du coréen Hyundai

Boro

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Arlésienne comme seule la marque à la Pomme est capable d’en susciter, l’Apple Car a provoqué ces dernières semaines une succession de rumeurs les unes à la suite des autres. Parfois contradictoires, leur rythme s’est accéléré de façon impressionnante au cours des 15 derniers jours, en particulier autour d’une collaboration avec la marque coréenne Kia Motors.

Propriété du conglomérat Hyundai, celle-ci se verrait confier la fabrication de l’Apple Car sur le territoire américain. Selon la dernière indiscrétion en date, rapportée par CNBC, Apple aurait dans ses cartons un véhicule entièrement électrique et autonome. Celui-ci serait destiné aux professionnels, et centré sur le maillon ultime de la chaîne logistique, dit du « dernier kilomètre ». 

Toujours selon les habituelles « sources proches du dossier » chez Apple, le Californien et le Coréen ne seraient pas très loin de la conclusion d’un accord, même si la filiale du chaebol semble craindre qu’Apple ne choisisse un autre partenaire dans la dernière ligne droite. De quoi expliquer la multiplication des rumeurs depuis quelques jours, qui font explicitement référence à un partenariat entre Apple et Kia A fortiori, après la « sortie » de certains cadres de haut niveau chez Hyundai.

Le beurre et l’argent du beurre ?

Relayé par Reuters, le débat serait encore ouvert au sommet de la société, une partie du management refusant de voir la marque cantonnée à un simple rôle de sous-traitant, ou même d’assembleur « comme Foxconn ». La vision stratégique de Euisun Chung, qui a pris la direction de Hyundai en octobre dernier, est claire : « la mobilité [c’est-à-dire les véhicules autonomes NDLR] est le futur de la société ».

La marque à la Pomme aurait pour objectif de confier la fabrication et le process industriel à un partenaire expérimentée du secteur, sur chaque marché local (en l’occurrence l’usine de Kia à West Point en Géorgie, pour les États-Unis). De son côté, Apple compte bien s’installer sur le siège du conducteur, et conserver la direction de la conception d’ensemble du véhicule. Avec bien entendu la « patte » qui est la sienne dans l’alliage unique du matériel et du logiciel.

Un investissement stratégique

Quant à Kia Motors, c’est ce transfert total ou partiel de « l’intelligence », qui représentera le cœur de la valeur ajoutée des véhicules de demain, que le Coréen comptait bien acquérir… 

Certains membres de son état-major ont-ils été tentés de se montrer trop gourmand à la dernière minute, ou trop susceptible ? Comme à son habitude lorsqu’il s’agit d’épauler un partenaire industriel, Apple n’a semble-t-il pas tenté de mégoter en ouvrant largement son carnet de chèques. Et d’ injecter pas moins de 3,6 milliards de dollars dans l’usine de West Point, selon Bloomberg.

Si rien n’achoppe d’ici là, les deux partenaires devraient toper le 27 février prochain, avec un objectif compris entre 100 000 et 400 000 unités par an, et un début de production en 2024.

Des partenariats tous azimuts

Dans sa dernière livraison pour Noted TF Securities, l’analyste Ming-Chi Kuo va d’ailleurs dans ce sens, ajoutant que la firme de Cupertino pourrait également nouer des partenariats avec General Motors, et le groupe PSA en Europe. Avec, ici aussi, la prise à son compte du volet « hardware et software de la conduite autonome, de l’électronique, des technologies relatives aux batteries, du facteur de forme et du design de l’espace intérieur, des avancées sur l’expérience utilisateur et l’intégration avec l’écosystème Apple déjà présent ». Au Japon, Apple aurait  même pris langue avec pas moins de six constructeurs automobiles locaux.

Une plate-forme pleine de promesses

Et Ming-Chi Kuo est également plus précis en ce qui concerne les apports de Kia au projet. Le premier véhicule, destiné aux professionnels, serait basé sur la plate-forme E-GMP (Electric-Global Modular Platform), présenté en décembre dernier par Hyundai Motor Group (Hyundai, Kia, Genesis), dont chacune des marques propose des véhicules électriques. Sous réserve d’un deal, le partenariat avec Kia en donnerait l’accès à Apple.

Cette fameuse plate-forme est d’ailleurs pleine d’intérêt.  Très modulaire, à la manière de ce qui se pratique déjà sur les châssis développés  pour les véhicules thermiques depuis de nombreuses années, elle permet de dégager davantage d’espace intérieur grâce à la migration des trains de roulement vers les extrémités du châssis. En outre, l’intégration des batteries sous le plancher, comme chez  d’autres constructeurs, a pour effet d’abaisser le centre de gravité. Et de permettre un plancher cette fois-ci totalement plat.

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Cerise sur le gâteau, le système de propulsion repose sur un, voire deux moteurs électriques (dans le cas d’une transmission intégrale), de taille réduite mais d’une puissance équivalente à ce qui s’est fait jusqu’à présent. Le moteur est placé en position de propulsion (arrière) sur le modèle à deux roues motrices. Le module électrique est complété par une transmission électrique et par un onduleur.

Et ce n’est pas tout. Le Coréen annonce fièrement une autonomie de 500 km, avec une charge jusqu’à 80 % en à peine 18 minutes, avec tout de même une puissance de 350 kWh…

Après des années de rumeurs sporadiques, parfois contradictoires, à propos d’un hypothétique Apple Car, la possibilité d’une voiture Apple prend désormais une épaisseur de plus en plus marquée avec ce nouveau train d’indiscrétions. Lequel appelle également un certain nombre de remarques.

Le projet Titan de retour sous les projecteurs

Les différents aspects évoqués à propos du partenariat avec Kia Motors, sont en effet particulièrement intéressants au regard de l’Histoire d’Apple, que celle-ci soit récente ou plus éloignée, et tend même à rejoindre celle des débuts de l’Automobile. Ce n’est ainsi pas la première fois qu’Apple fait appel à l’aide d’un constructeur-tiers, avant de se lancer sur un marché inconnu, pour développer un produit dont il ignore tout. 

Un premier partenariat historique avec Sony

En 1991, Apple s’était très largement appuyé sur Sony pour concevoir et fabriquer le PowerBook 100, son premier véritable ordinateur portable, fort de ses excellentes relations avec le Japonais. Celui-ci fabriquait historiquement les lecteurs de disquettes du Macintosh depuis 1984.

Un essai transformé et un partenariat réussi, puisque avec ses deux sister ships plus onéreux, les modèles 140 et 170, le PowerBook 100 a permis à Apple de ravir en 1992 àToshiba et Compaq la première place des constructeurs mondiaux d’ordinateurs portables. Et de poser les bases d’une longue tradition d’excellence en matière d’ordinateurs nomades, dont les MacBook Pro sont les héritiers aujourd’hui.

Un essai beaucoup moins concluant avec Motorola

Autre exemple notable, bien que beaucoup moins satisfaisant pour Apple, le Motorola RAZR V3i développé à partir de 2003 avec le numéro un de l’époque, et présenté à l’été 2005. Le téléphone à clapet était censé surfer sur la vogue de l’iPod et de l’iTunes Music Store, en même temps que donner à Apple une première approche du design d’un téléphone mobile.

Au final, Steve Jobs n’avait pas eu de mots assez durs pour qualifier la pauvreté du service rendu au regard de l’expérience utilisateur sur iTunes mobile. Et Apple c’était trouvée confortée dans sa décision de prendre son destin en main en matière de téléphonie mobile. Rien d’étonnant dès lors à ce que les négociateurs de Cupertino se montrent intransigeants pour savoir qui prendra le guidon et pédalera à l’avant du tandem.

Des perspectives industrielles, économiques et technologiques

Du point de vue industriel, le choix de pouvoir (éventuellement) faire appel au groupe PSA (Peugeot Citroën Opel) sur le continent européen ne doit rien au hasard, puisque le français vient de fusionner avec l’Italo américain Fiat Chrysler pour créer Stellantis. 

Le mariage donne ainsi naissance au quatrième constructeur mondial, avec une surface industrielle suffisante pour produire en volume, et des marques souvent prestigieuses. Celles-ci disposent de réseaux de distribution présents à la fois au Royaume-Uni, en Allemagne, mais également aux États-Unis et bien entendu en France et en Italie.

Autre point intéressant, cette adoption d’un « châssis motorisé sur étagère ». Le concept n’est pourtant pas nouveau dans l’industrie de l’automobile et de l’utilitaire moderne. Historiquement, c’est même de cette manière que les différents constructeurs du début du XXe siècle commercialisaient leurs « automobiles à pétrole » avant l’industrialisation initiée par Henry Ford. 

À charge pour les richissimes acheteurs de les faire aménager à leur goût par un carrossier et un sellier. À tout prendre, une position pas si éloignée de celle de la firme à la Pomme, vu le positionnement tarifaire sur lequel la marque devrait vraisemblablement placer sa petite merveille.

S’apprête-t-elle d’ailleurs, dans un deuxième temps, à réitérer avec l’automobile la démocratisation (relative)  de l’expérience utilisateur du palace et du concierge, réussie avec les Apple Store ?

Un nouveau modèle économique, prêt à bouleverser le secteur ?

D’un point de vue du modèle économique, le choix de faire décoller son outil industriel, sur un marché entièrement nouveau, en se positionnant sur les usages de livraison ou de trajet à la demande, est également particulièrement bien vu d’un point de vue historique. 

En France par exemple, l’essor de l’automobile au début du XXe siècle doit en effet énormément à la conversion précoce des Grands Magasins parisiens aux camionnettes de livraison. Ceux-Ci ont vu très tôt les économies d’échelle induites par le remplacement du cheval-crottin par le cheval-vapeur, par ailleurs symboles de modernité. De la même manière que les chauffeurs de taxi ont en un clin d’œil remplacé les cochers de fiacre, dès avant 1914. Et c’est d’ailleurs cette mécanisation précoce des flux logistiques qui a permis à la France de bloquer l’avancée allemande sur Paris, lors de la bataille de la  Marne.

Apple Car As a Service ?

C’est d’ailleurs à une disruption de cet ordre que l’industrie automobile, telle qu’on la connaît depuis plus de 100 ans, pourrait avoir à faire face comme avant elle les palefreniers, les maréchaux-ferrants, les selliers ou les charrons qui n’ont pas pu se reconvertir à temps. Le modèle économique de la possession du véhicule, déjà interrogé par la montée croissante du covoiturage, pourrait tout à fait se trouver balayé par la généralisation du modèle de l’usage et du partage.

Apple, est indirectement à la racine du phénomène puisqu’elle a porté dès l’origine l’éclosion et la diffusion des applications mobiles (« il y a une app pour ça ») .La firme de Cupertino, qui cherche à augmenter la part des services dans son modèle économique, qui ne cesse de mettre l’accent sur sa fibre écologique et qui surveille les usages comme le lait sur le feu, a forcément déjà réfléchi à un modèle basé sur l’usage. Qu’il s’agisse d’achat de courses « à l’unité », ou bien par abonnement.

Un défi technologique toujours pas résolu

Du point de vue technologique, enfin, le châssis développé par Hyundai Motor Group va certes dans le bon sens, mais la marque à la Pomme qui travaille depuis plusieurs années et recrute régulièrement des pointures du secteur, a forcément d’autres idées en tête. 

Par exemple, en améliorant encore les pertes de rendement mécanique, en intégrant la motorisation directement sur chacune des roues du véhicule, avec des moteurs réversibles. Ou bien en faisant monter en puissance la technologie des superconducteurs, en lieu et place des batteries qui grèvent par leur poids l’autonomie  de la génération actuelle de véhicules hybrides ou électriques.

Apple Silicon, encore une fois la clé

Mais peut-être surtout, la maîtrise de son destin en matière de semi-conducteurs ouvre à Apple des perspectives vertigineuses, alors même que l’ensemble de l’industrie est susceptible de faire face à des phénomènes d’accordéon dans la disponibilité des composants, comme c’est d’ailleurs actuellement le cas.

Plus encore que les modèles actuels, les voitures électriques autonomes ont vocation à se barder de capteurs et de puces électroniques. C’est d’ailleurs la reconversion qu’avait choisie Motorola, devenu Freescale, après l’abandon par Apple du processeur G4. Et qui  persévère sur la plate-forme RISC… famille à laquelle appartiennent également les processeurs ARM conçus par Apple Silicon. Y a vraiment un hasard ?

Apple a donc encore beaucoup de travail sur la planche à dessin, d’abord d’ici 2024, et ensuite au-delà. D’autant que d’autres projets sur lesquels elle travaille pourraient également être intégré à ce projet… titanesque. Et en particulier les dispositifs de réalité augmentée. De quoi voir prospérer les rumeurs, d’ici là, et le cours de bourse tutoyer de nouveaux sommets… si les régulateurs ne s’en mêlent pas entre-temps…

[MàJ du 07/02/2022]

Si l’on en croit le toujours très bien informé Mark Gurman qui couvre l’actualité Apple pour l’agence Reuters, Cupertino aurait même gelé les négociations avec Hyundai, sans que l’on sache à quelle date elles pourraient reprendre, ni même si elles ont été définitivement abandonnées.

[MàJ du 08/02/2022]

Dans une note au régulateur, Hyundai et sa filiale Kia Motor ont déclaré que les pourparlers entrepris avec Apple avaient cessé. Les deux sociétés avaient été sollicitées par plusieurs entreprises à propos du développement d’une voiture autonome, mais aucune décision à ce stade n’avait été prise. Les discussions sont restées au stade préliminaire.

Si tel était bien le cas, se pose alors la question de l’origine des fuites qui avait donné lieu à de multiples indiscrétions dans la presse depuis le mois de décembre. Date à laquelle la plate-forme E-GMP, également pressenti pour intéresser Apple, a été présenté publiquement. Le conglomérat a-t-il voulu se faire « mousser » prématurément, entraînant un mouvement d’humeur chez Apple ?

L’action Hyundai a perdu 8,4 % et celle de Kia 14 % après la publication de cette annonce.

 

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